Le SED n'est pas juste une maladie, c'est une identité.

Publié le par Sandro Swordfire

Il y a quelque chose de commun à tous les SEDistes (et j'y inclus les HSDistes) : nous sommes plutôt bizarres. On a mal, on est fatigué·e, des fois on a de l'énergie sans savoir pourquoi, souvent on se traîne et on nous l'a fait sentir trop souvent, on est souvent maladroit·es et on se cogne partout. On a des bleus, des marques, on fait les con·nes avec nos articulations pour amuser (ou dégoûter) la galerie, souvent on est neuroatypiques. Autisme, TDAH, dépression, bref : on a un fonctionnement qui sort de la norme. Et même si on est chacun·e différent·e des autres SEDistes, on se reconnaît entre nous, plus ou moins consciemment. On sent une proximité. On partage cette bizarrerie. On peut parler de nos fatigues sans se faire traiter de flemmard·es, on peut parler de nos douleurs sans s'entendre répondre que c'est dans nos têtes.

 

De mon expérience, les handicapé·es en règle générale ont tendance à avoir un rapport très distant avec les normes sociales, et c'est très vrai dans la communauté SED. J'ai déjà eu dans ma messagerie twitter quelqu'un qui cherchait des infos sur le SED - même pas dix minutes plus tard on parlait des problèmes digestifs et rectaux liés au SED avec force détail de nos problèmes de fissures anales, sans aucune gêne. C'est pas avec des valides qu'on peut parler de ça sans se faire emmerder (haha).

 

Personnellement fréquenter des SEDistes m'a beaucoup apporté en tranquillité d'esprit. Tout comme fréquenter des handi·es en règle générale d'ailleurs, mais c'est particulièrement vrai avec le SED. Aussi ermite que je puisse être ça fait du bien de savoir que mon expérience de vie ne m'isole pas irrévocablement du reste du monde. Sur les réseaux, il y a des tas de groupes de SEDistes, que ce soit des groupes formels (comme sur facebook par exemple) ou des groupes informels (comme les communautés SED de twitter). Je rêverais de voir des événements dédiés au SED, des rencontres, des soirées en non mixité. Même si ce n'est pas exactement la même chose je regrette de ne jamais avoir pu participer aux pique-niques de Matthieu (Vivre Avec) à l'époque où il en organisait.

 

Je n'ai pas l'impression qu'on soit juste des gens avec une maladie en commun, ça va plus loin que ça. Nos modes de vie sont très influencés par le SED, ça dirige nos quotidiens, c'est peu connu et donc excluant, c'est invalidant, tout ça participe à construire nos identités. Entre nous on est un peu comme dans une bulle, un monde dans le monde. On forme une communauté, qu'on le veuille ou non. On s'identifie souvent à Dory du monde de Nemo ou à Gaston Lagaffe, on a souvent les mêmes façons bizarres de gérer le quotidien, on est majoritairement des oiseaux de nuit. Quand on se rencontre, on se connaît déjà un peu, comme si on faisait partie de la même famille.

 

On est pas juste des gens avec un SED, même si beaucoup plaisantent sur le fait de vivre avec le SED comme on vivrait avec un·e squatteureuse qui fait des conneries. Ça fait partie de nous, on est des SEDistes. Nos vêtements compressifs, nos fauteuils, nos cannes, nos déambulateurs, nos attelles font partie de nous. Nos douleurs, nos fatigues, nos désarticulations aléatoires font partie de nous. Nos façons décalées de percevoir le monde, nos humours, nos déprimes, font partie de nous. Mêmes nos amours semblent s'extraire des romances communes. C'est notre identité. Une identité plurielle et riche, mais en même temps avec tellement de structure commune.

 

Personnellement, j'en suis fier·e. C'est peut-être bizarre, personne ne décide d'avoir un SED, on fait rien pour, on le subit. Mais je suis fier·e d'être SEDiste face à l'adversité, d'être handi·e face au validisme. Je suis pas fier·e de ce que je suis en règle générale - je m'apprécie pas beaucoup je dois dire, mais cette partie là de moi, la partie maladie chronique, militantisme, cette partie là oui. Et je ressens une solidarité particulière envers les autres SEDistes. Je me sens proche de ce "nous", et ça semblera peut-être étrange mais j'ai envie de célébrer ce nous. Malgré tout ce qui nous divise, malgré l'administration qui nous met des bâtons dans les roues, malgré la société validiste qui nous pousse hors de l'école, qui nous prive de nos libertés, parfois de nos citoyennetés, de nos revenus... Malgré tout cela, je me sens proche de mes adelphes SEDistes, et j'ai envie de célébrer ce "nous".

Publié dans SED

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