Un bref historique du syndrôme d'Ehlers-Danlos

Publié le par Sandro Swordfire

La première descriptions clinique du Syndrome d’Ehlers-Danlos vient de Alexandre
Nicolaiev Tshernogobow, russe, qui présenta en 1892 à la Société de Dermatologie et Vénérologie de Moscou deux patients en présentant les symptômes. Luxations, peau fragile et étirable, mauvaise cicatrisation, hypermobilité articulaire.

 

Puis, le 15 Décembre 1900, c’est Edvard Lauritz Ehlers, Danois, qui identifiera cette maladie en se concentrant principalement sur les deux symptômes « spectaculaires » du SED : l’étirabilité des tissus, notamment la peau, et l’hyperlaxité articulaire. Il baptisera cette maladie « Cutis Laxa »

 

Viendront ensuite Cohn, anglais, en 1907 et Danlos, français, en 1908. Tous sont dermatologues. Et aucun ne parle alors de douleurs associées, ni de fatigue chronique.

 

C’est finalement Achille Miget qui dans sa thèse en 1933 officialisera le nom de syndrome d’Ehlers-Danlos, proposé par d’autres médecins en 1932.

 

Ce sont ensuite deux autres spécialités qui s’intéresseront au SED, la rhumatologie avec Bywaters et la génétique avec Beighton. Les rhumatologues parlent alors de « syndrome d’hypermobilité articulaire ». Jusque là, les médecins mettent en avant le « caractère bénin » de cette maladie. À la fin des années 1960, en dehors de la peau lâche et des articulations souples, les médecins disent que ces patients ne sont pas du tout malade.

 

C’est en 1967 que Barabas, chirurgien, propose trois types, en se basant sur 27 patients. Deux ans plus tard, Beighton en proposera 5 en se basant sur une centaine de patients. Beighton donnera son nom à un test d’hypermobilité articulaire (qui ne prenait pas en compte l’épaule et ne testait pas directement la hanche) qui sera considéré comme un critère indispensable au diagnostic du SED. Ils reclassent les SEDs : onze types présentés à Berlin en 1986, puis six à Villefranche en 1997 dont trois en pratique courante comprenant le type vasculaire considéré comme précocement létal. Les classifications de Berlin et Villefranche se basent en écrasante majorité sur le travail de Peter Beighton, qui est généticien.

 

C’est un autre type de spécialité, la médecine physique, qui s’intéressera au SED en 1996 avec Claude Hamonet, qui centrera son analyse autour des problèmes de proprioception, symptôme jusque là ignoré de la maladie. Il listera plus de 80 symptômes associés au SED. Cette approche sera la première à proposer un protocole de soin efficace avec notamment des vêtements compressifs, matelas à mémoire de forme, oxygénothérapie, etc. à cette époque la fatigue chronique n'était pas mentionnée dans la classification, la douleur était considérée comme "courante" dans le SED hypermobile.

 

En 2017, on établit treize types de SED dans la classification de New York (version traduite), toujours en s’axant autour de l’hypermobilité, alors même qu’elle peut disparaître ou s’atténuer à l’âge adulte malgré sa présence dans l’enfance. Aujourd’hui encore, de nombreux médecins considèrent qu’il n’y a pas de douleurs dans le SED, ni d’altérations des sens (pas d’hyperacousie, pas d’hyperosmie) ou de fatigue.

 

Gary Turner, recordman mondial de la peau la plus élastique

Atteint du Syndrome d'Ehlers-Danlos

 

Comme on peut le voir au travers de ce rappel historique, l’aspect « spectaculaire » de la maladie et son hérédité ont été longtemps les seuls critères pris en compte, elle était considérée comme aucunement invalidante. Un grand nombre des cas présenté au cours du vingtième siècle étaient ce qu’on appelait à l’époque des « exhibitionnistes » : des cas extrêmes employés dans des « freak show » où leur peau et/ou leurs articulations, exceptionnellement élastiques, leur servaient à divertir les foules. Ces aspects très visibles ont très longtemps été mis en avant par les patients, moyen pour eux de « forcer » l’attention des médecins qui sinon ne s’intéressaient pas à leurs cas. Cette approche, biaisée et alimentée par le déni des patients et de leur vécu, a contribué à faire de ces deux symptômes la « signature » du SED. Aujourd'hui encore, le corps médical reste globalement incompétent à reconnaître la peau des SEDistes, et peine à identifier l'hyperlaxité des patients âgés et/ou en surpoids.

 

Le SED est une maladie du tissu conjonctif, qui assure le rôle de « liant » dans l’organisme et produit le collagène, famille de protéines qui confère aux tissus leur résistance à l’étirement et qui représente un quart de la masse protéique. On peut assez facilement s’attendre à deux choses : qu’il affecte l’intégralité du corps, vu que le collagène est présent partout, mais aussi qu’il affecte les patients de façon très variable vu qu’il existe différents types de collagène selon les organes. Et pourtant, la plupart des médecins utilisent des critères excluants et n’utilisent pas des critères pourtant courants dans la maladie. Ces critères excluants sont l’étirabilité de la peau et l’hypermobilité articulaire, alors que l’un comme l’autre peuvent être faibles, voire absents dans certains cas. Les troubles digestifs, la douleur et la fatigue ne sont que très peu pris en compte (quand ils ne sont pas niés) alors qu’ils sont autrement plus invalidants, les troubles sensoriels sont généralement totalement occultés y compris la proprioception qui explique pourtant nombre de manifestations du SED. Enfin, la fragilité des vaisseaux sanguins ne sont pris en compte que si le cas est classé « vasculaire », alors qu’elle concerne quasiment tous les patients du SED.

 

Cette considération axée sur les symptômes les plus faciles à observer ne repose pourtant pas que sur la faible attention des médecins aux symptômes dits « invisibles » comme la douleur et la fatigue, qu’il est si facile de rejeter d’un revers de la main. Le fait que les tests, examens et l’imagerie soient majoritairement normaux y participent grandement. Il n’existe à ce jour aucun test génétique fiable, aucun examen spécifique du collagène qui s’avère utile au diagnostic du SED, aucune imagerie qui permette de le « voir ». Bref, il n’existe à ce jour aucune technologie qui permette de l’identifier de façon catégorique, et on enseigne aux médecins à croire les images plutôt que les patients. C’est l’approche générale de la médecine moderne, qui psychiatrise systématiquement tout ce qui ne s’observe pas à l’aide d’un appareil, qui alimente aujourd’hui cette tendance.

Publié dans SED

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